Une part fondamentale de la pratique du thérapeute psycho-corporel consiste à percevoir et interpréter le langage corporel du patient. C’est un art délicat, qui demande une solide expérience et un travail personnel approfondi.
Lorsqu’un patient se présente, la première impression est particulièrement riche d’enseignement ; c’est toutefois le signe le plus délicat à appréhender. En effet, ce qu’apporte le patient fera inévitablement écho à ma propre histoire, ma façon de le percevoir et d’y réagir en sera affectée. C’est pourquoi il est si important de bien se connaître soi-même. Il s’agit d’avoir conscience de ce qui se joue pour moi dans la relation, afin de ne pas projeter sur l’autre ce qui m’appartient en propre. Telle personne me semblera agressive parce que je la jugerai comme un rival, telle autre suscitera spontanément une grande empathie car elle sollicitera ma propension à protéger les êtres que je sens fragiles. Si je ne suis pas conscient de cela, je ne suis plus au service du patient. Je me soigne à travers lui. Il ne s’agit pas de lutter contre ces propensions, mais d’en être conscient et de ne pas être agi par elles. Seule une thérapie approfondie de la part du thérapeute permet d’affiner cette capacité à percevoir ce qui se joue réellement dans la relation, et d’en faire un outil diagnostic (mais pas seulement) le plus fiable possible. Il serait présomptueux de penser en faire un outil parfaitement fiable.
Admettons que je sois d’une parfaite limpidité. Que puis-je retirer de ce premier contact ? Je serai attentif à la façon dont mon corps réagit au langage corporel de la personne en face de moi. La quantité d’informations que deux corps échangent quasi instantanément est proprement stupéfiante. Il est vain d’essayer d’analyser dans le détail ce qui se joue ; de nombreux scientifiques ont essayé, et ont étudié image par image des films de quelques secondes ayant pour objet la rencontre de deux êtres. Si je dois employer les mêmes méthodes, je dois envisager de prendre le prochain rendez-vous avec mon patient six mois plus tard… On trouve aussi de nombreux ouvrages promettant d’apprendre à décrypter le langage corporel de son conjoint, de son patron, etc… Je n’y crois guère. Je dois me fier à la synthèse que me livrera mon corps et à l’impression globale qui en restera. Un partisan de la science dure objectera que l’information que j’aurai ainsi obtenue est hautement subjective, et que rien ne peut matériellement prouver que mon opinion est fiable. A cela je répondrai : oui. Mais je n’ai besoin de prouver à personne que j’ai raison, je n’ai personne à convaincre, même pas moi-même. Je dois avoir l’humilité de croire que je me suis peut-être trompé, mais que pour l’instant je dois travailler avec les informations dont je dispose.
Interviennent ensuite d’autres aspects de la lecture du corps, où l’intellect joue un rôle plus important. J’observe la posture globale de la personne, sa corpulence. Est-elle équilibrée, symétrique ? Comment tient-elle sa tête, comment se placent les bras, les jambes ? Comment prend-elle appui sur le sol ? Les membres sont-ils relâchés ou sur le qui-vive ? Je cherche où sont localisées les tensions musculaires. Je note aussi la qualité du regard, la couleur de la peau, sa texture, sa radiance. J’observe la respiration. Je cherche comment circule l’énergie dans le corps, où elle est en excès, en déficit. Je suis attentif au ton de la voix, au débit de la parole. Je suis aussi attentif à sa façon de se mouvoir. Les mouvements peuvent être fluides, contenus, saccadés, vifs.
Et puis, comme je suis un thérapeute corporel et que je travaille beaucoup avec les massages, je vais toucher la personne. Mais cela mérite un prochain article.
Bien. Ami lecteur tu constates l’infinie richesse de la lecture corporelle. Et tu te dis peut-être : mais comment ne pas être submergé par autant d’informations ? Eh bien si tu sais me dire pourquoi une musique te plaît sans me faire un cours de musicologie, tu as compris. Je ne peux pas faire une analyse exhaustive de tout ce que m’apporte la personne. J’ai un paysage devant moi, et je le visite, je me familiarise avec son climat, et avec le patient je pars en exploration. C’est là toute la magie de la thérapie. Il est possible d’aborder le sujet avec une rigueur toute scientifique, mais ce n’est certainement pas la méthode la plus efficace. La perception intuitive alliée à l’expérience donne des résultats bien plus facilement exploitables. Lorsque j’attrape une balle au vol, je ne calcule pas sa trajectoire, je la saisis.
Il y a encore tant à dire sur ce sujet, je pourrais ne jamais terminer cet article ! Tu me feras penser à te parler du cœur une prochaine fois… tu sais, c’est avec lui qu’on voit le mieux, comme l’écrivait un auteur célèbre.
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